VARANASI (INDE) : ville sainte au charme éternel

Bénarès, la « ville de lumière » aujourd’hui dénommée Varanasi est l’une des villes au monde qui attire le plus de pèlerins et de touristes. C’est la plus sacrée des sept villes saintes de l’hindouisme que compte l’Inde.
En venant mourir ici les hindous croient qu’ils accèdent directement au nirvana et qu’ils échappent ainsi au cycle des réincarnations. Certains viennent y vivre leurs dernières heures.
Mourir à Bénarès pour gagner le paradis
Des brancards descendent constamment des ruelles qui mènent aux deux ghâts de crémations. Ils sont portés par des hommes hors castes. Les femmes ne sont pas autorisées à assister aux crémations de leurs proches. On dit que leurs pleurs empêcheraient l’âme de s’envoler. Il y a bien longtemps, elles étaient brûlées sur le bûcher de leur défunt mari. Mais par ce sacrifice, les Satis accédaient au statut de saintes et étaient vénérées par leur famille.
Les brancards sont déposés au bord du Gange. La plupart des cadavres sont brûlés mais les sâdhus, les gourous, les femmes enceintes et les enfants n’ont pas besoin du feu purificateur. Ils sont directement jetés dans le fleuve et dérivent avec le courant tout comme les colliers de fleurs et parfois les cadavres de vaches sacrées.
Un brahman récite rapidement quelques prières. On ne peut pas parler de cérémonie. Le visage est arrosé d’eau du Gange et les draps et ornements sont enlevés. Les bûchers ont été préparés à l’avance. Les familles achètent au poids les bûches de bois de santal pour les plus riches ou de bois ordinaire pour les plus pauvres. Des bateaux au bord du quai en sont chargés. Des stères de bois sont aussi entreposés et vendus dans les ruelles qui mènent à ces deux ghâts.
Le feu est allumé à l’aide de braises apportées sur une brassée de paille depuis le petit autel ou brûle en permanence un feu sacré. Les flammes s’élèvent du bûcher et peu à peu se dégage du linceul brûlé une épaule ou un pied. Les spectateurs sont silencieux et respectueux. C’est presque un travail à la chaîne qui s’effectue sans émotion particulière. La fumée âcre envahit le ghât. Les bâtiments noircis témoignent de l’ancienneté de cette tradition. Après plusieurs heures de crémation, les cendres et les os sont jetés dans le fleuve par la famille.
La vie et la mort se succèdent naturellement
Sur les ghâts suivants, on entend des battements réguliers. C’est celui des vêtements lavés dans l’eau douteuse du Gange et qui sont frappés sur la pierre. Le linge est fourni par les nombreux hôtels de Bénarès. Mieux vaut le savoir ! Une fois séché sur les marches des escaliers, il sera repassé dans les échoppes des repasseurs de la vieille ville.
Les ablutions ont lieu tôt le matin et les heures qui suivent sont plutôt consacrées aux toilettes. L’eau du Gange est aussi utile pour la vie quotidienne. Il ne faut pas s’étonner de voir côte à côte un homme enveloppé de mousse de savon et une femme qui se trempe dans l’eau les mains jointes.
La foule qui déambule sans cesse sur les ghâts ne perturbe pas les quelques adeptes de la méditation. Hormis les aboiements des nombreux chiens et le bruit des moteurs des bateaux, l’atmosphère est paisible. On est loin du tumulte de la ville. Il faut bien sûr éviter le ghât central avec marchands en tout genre. Du nord au sud les ghâts représentent une promenade de 800 mètres très agréable à toute heure du jour. Les levers et couchers de soleil y attirent particulièrement les touristes. Une cérémonie de « puja » a lieu tous les soirs à 19h sur le ghât principal.
Des ruelles pas plus larges qu’une vache
Il faut aller se perdre dans le dédale de ruelles de la vieille ville. On y découvre des façades de bâtiments qui eurent leur heure de gloire, mais qui aujourd’hui sont totalement délabrées. Certaines ruelles ne sont pas plus larges qu’une vache. Les piétons doivent rester vigilants à ne pas se faire bousculer par les motos et les vélos ! Minuscules échoppes et ateliers se succèdent. Il faut sans cesse demander son chemin, mais cela fait partie du charme de  ce quartier.
Varanasi est aussi réputée pour sa tradition du tissage de la soie, exercé par la population musulmane. Derrière une porte, on découvre de grands ateliers souvent sombres avec des dizaines de métiers à tisser. C’est le travail des hommes. Il faut faire confiance aux rabatteurs qui vous harcèlent sans cesse pour vous y conduire. Dans des ateliers de broderie, de fines particules d’or sont insérées dans de splendides saris par les doigts experts de jeunes garçons.
Le charme de la ville sainte nous attire malgré ses odeurs pestilentielles, ses rues crasseuses et encombrées, son bruit infernal, ses petites arnaques en tout genre. Je ne garde en mémoire que les regards, le sourire et les namaste de ses habitants toujours prêts à informer le touriste perdu, et de tous ceux qui ont posé volontiers devant mon objectif.
15 février 2013